• Le spectacle de la mise à mort jusqu'en 1789 :

    • L'Affaire Calas, l'opinion de Voltaire :

    __L'affaire Calas est une affaire judiciaire qui se déroula au milieu du XVIIIe siècle à Toulouse, rendue célèbre par l'intervention de Voltaire. Le 13 octobre 1761, le fils aîné de Jean Calas, Marc-Antoine est trouvé mort dans la maison paternelle. On affirme alors que Calas a assassiné son fils parce qu'il voulait se convertir au catholicisme. En 1762, Calas est reconnu coupable et condamné à expier par le supplice de la roue. Il agonise pendant deux heures, on espère une confession, mais tout au long de son supplice, il proteste de son innocence. Grâce à son réseau de correspondants dans toute l'Europe, Voltaire mène une lutte acharnée contre ce qu'il considère comme un cas typique de fanatisme.

                « Je ne mangerai pas des fruits de l'arbre de la tolérance que j'ai planté [...] mais vous en mangerez un jour »

     Voltaire 

    Le spectacle de la mise à mort jusqu'en 1789


    __Voltaire est à la fois un écrivain et un philosophe qui a marqué le XVIIIe siècle et qui occupe une place particulière dans la mémoire collective française. Il esquisse en effet la figure de l’intellectuel engagé au service de la vérité, de la justice et de la liberté de penser. D'entre tous ces combats menés contre le fanatisme et l'intolérance, le plus célèbre est, sans aucun doute, celui qu'il entreprend pour réhabiliter la mémoire de Jean Calas. Il va acquérir en 1759 un domaine à Ferney, qui est désormais célèbre et qui est devenu un endroit de culture par la même occasion. Voltaire va demander de l’aide à d’Alembert, pour faire éclater une vérité qui, il le sent déjà « importe au genre humain ». Les deux philosophes vont avoir comme objectif d'écraser l’Infâme à travers son image genevoise, mais à cause de se qui s’est déroulé à Toulouse, qui est pour lui une terre d’élection du fanatisme, que les signes menacent de s’inverser et Genève va devenir victime. Il réalise en quinze jours que c’est une erreur judiciaire. Calas étant présenté comme le dernier maillon de la longue chaîne de l’innocence persécutée il va vouloir faire profiter de son expérience à travers des exemples de luttes, et de scandales pour changer les choses.

    "Ecrasez l'Infâme" fut son leitmotiv dans le combat qu'il mena contre son principal ennemi : le fanatisme, premier ennemi de l’humanité, comme la phrase « Criez et que l'on crie ! » qui fut aussi un mot d'ordre parti de Ferney en avril 1762 faisant de l'affaire Calas une cause universelle exemplaire :

    « Presque tout le Languedoc en gémit avec horreur. Les nations étrangères qui nous haïssent et qui nous battent, sont saisies d'indignation. Jamais depuis le jour de la Saint-Barthélemy rien n'a tant déshonoré la nature humaine. Criez, et qu'on crie ! ».

     

    Le spectacle de la mise à mort jusqu'en 1789

     

    __Informé de l'affaire par le marchand marseillais Dominique Audibert, Voltaire, sans d'abord s'interroger sur la culpabilité des Calas, conclut au fanatisme des protestants.
    Mais on sent à travers ses lettres que le doute le tenaille. Le plus admirable, d'ailleurs, dans cette affaire, par-delà l'occasion que Voltaire y vit de dénoncer l'Infâme, c’est la contradiction des arguments des juges que la curiosité éveilla en lui une envie de savoir la véracité de cette enquête. Ainsi il va fiévreusement tenter, pendant plusieurs semaines, de s'informer aux sources les plus sûres :   « J'en suis tout hors de moi : je m'y intéresse comme homme, un peu même comme philosophe. Je veux savoir de quel côté est l'horreur du fanatisme. Oserais-je supplier votre Éminence de vouloir bien me dire ce que je dois penser de l'aventure affreuse de ce Calas, roué à Toulouse pour avoir pendu son fils ? Cette aventure me tient au cœur ; elle m'attriste dans mes plaisirs, elle les corrompt. »  (Lettre au cardinal de Bernis, 25 mars 1762).  

     

     

    __Découverte du corps de Marc-Antoine.

     

    __Dans son enquête, Voltaire est surtout frappé par l'incohérence du jugement. Il était exclu qu'un homme de soixante-trois ans eût seul étranglé un jeune et robuste gaillard. Il fallait nécessairement qu'il fût aidé par sa famille. Alors pourquoi avoir condamné le seul Jean Calas et élargi les autres ? Il semblait que le Parlement de Toulouse reconnût là l'erreur qu'il avait faite. Ce qui préoccupe Voltaire tient à des faits qui resteront troublants : pourquoi huit juges (qu'il pense d'abord avoir été treize) auraient-ils sans intérêt fait périr un innocent sur la roue ? Pourquoi, d'autre part, la famille Calas a-t-elle affirmé avoir trouvé strangulé le cadavre de Marc-Antoine pour, le lendemain, déclaré l'avoir trouvé pendu?  Par ailleurs, Voltaire ainsi que tous les autres témoins de l’arrestation furent troublés par la constance avec laquelle Calas, jusqu'au bout d'un supplice affreux, a clamé son innocence.

    "Si vous avez deux religions chez vous, elles se couperont la gorge ; si vous en avez trente, elles vivront en paix."

    __Par sa lutte contre l'Église, Voltaire guerroyait contre le « despotisme de l'esprit » et la « rage de dominer », et il s'en prenait à l'intolérance qui passait par la monarchie de droit divin, la superstition et le fanatisme religieux, autant protestant que chrétien. Assez rapidement, l'Infâme se confond avec le christianisme qui reste, aux yeux de l'écrivain, la religion la plus sanguinaire et la plus barbare. Pour Voltaire, toutes ces affaires ont une même source : les religions dogmatiques, et principalement la religion chrétienne, qui propagent le fanatisme et se nourrissent de superstitions et d'intolérance. Voilà l'infâme qu'il faut écraser. 

     

    Le spectacle de la mise à mort jusqu'en 1789

    La malheureuse famille Calas

    __Dans l’Affaire Calas, Voltaire va se servir de Jean Calas, pour symboliser le peuple victime de l’arbitraire du pouvoir.  Sans trop solliciter la réalité Voltaire va prolonger son histoire jusqu’aux abords de la fiction. Il va s’appliquer une liberté sur les faits : Il va vieillir Calas pour obtenir plus de compassion, rendant la thèse du meurtre moins crédible, démontrait la Famille Calas comme un modèle où l’on aime Dieu, la Patrie, et le Roi. C’est en Calas que Voltaire trouva son meilleur défenseur.  C’est l’opinion publique qui va provoquer l’exécution de Jean Calas. « Le cri individuel engendre le cri public » : citation de Voltaire, c’est d’ailleurs pour cela qu’il va envoyé des lettres autour de lui demandant à ce que le procès devienne public :

    « Ces deux procès intéressent le genre humain ; et si quelque chose peut arrêter chez les hommes la rage du fanatisme, c’est la publicité de la preuve du parricide et du sacrilège qui ont conduit Calas sur la roue, et qui laissent la famille entière en proie aux plus violents soupçons. » 

    « C’est pour le public que la punition des scélérats est décernée : les accusations sur lesquelles on les punis doivent donc être publiques. »

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    __Toute sa vie, Voltaire a combattu l'arbitraire et l'intolérance. Mais c'est à Ferney, où il a passé ses vingt dernières années, que son combat a été le plus exemplaire. C'est  dans cette ville qu'à force d'enquêtes, d'interventions et de libellés, il a notamment fait réhabiliter le protestant Jean Calas. Ferney (initialement "Fernex") a pris le nom de Ferney-Voltaire à partir de 1878 en hommage à Voltaire qui y séjourna à partir de 1759 pour sa proximité de la frontière, en cas de problème avec l'administration royale, et de Genève, ville de son rival, Rousseau. Voltaire qui s'était tout d'abord montré réticent à l'égard de l'abolition de la peine de mort s'y rallie en 1777, d'autres penseurs le suivent.

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