• La mise à mort “s'humanise” petit à petit (XIX ème) :

    • La mort “s'humanise”.

    __C’est à l’aube de la Révolution française, durant la période de la Constituante (1789-1791) que l’on va voir apparaitre l’élaboration du Code pénal de 1791, préparant celui de 1810. Remplaçant le régime arbitraire des délits et des peines en imposant une légalisation des crimes et des châtiments, l’individualisation de la peine, l’abolition du supplice, et la généralisation de la prison. Après 1760, au temps des Lumières un débat européen sur la légitimité de la peine capitale lié au supplice public va peu à peu apparaitre. Beccaria, ainsi qu’avec l’appui de l’avocat Adrien Duport, va être l’une des personnes désirant abolir la peine de mort, jugeant ceux-ci comme « inefficace » et immoral, il dit préférable l’enfermement et les travaux forcés cachant tout spectacle public et ayant un pouvoir social. Malgré tout les Constituants rejettent l’abolition en 1791. Pendant plusieurs années en utilisant la mort comme peine la souveraineté absolue de l’Etat permettait de démontrer son pouvoir important dans le domaine de la justice.


    Le spectacle de la mise à mort jusqu'en 1789

     

     

    __Or, si la peine capitale perdure et vise les crimes contre l’Etat, ceux contre les individus, le législateur révolutionnaire aspire à la détacher de la souffrance corporelle particulière au système pénal de l’Ancien Régime. Le débat sur les modalités de l’exécution divise alors l’Assemblée entre partisans du supplice, zélateurs de la décapitation et défenseurs de la pendaison. Si la peine capitale reste publique, elle ne sera plus que la « simple privation de la vie » sans souffrance : tel est l’idéal pénal que devra remplir la « machine humanitaire » qu’est la guillotine. Pour concrétiser l’abolition de la douleur physique le célèbre médecin et homme politique français Joseph Ignace Guillotin, non abolitionniste, va proposer en 1789 de faire adopter la guillotine comme seul moyen d’exécution.  

     

     

    Rasage des cheveux sur la nuque du condamné, déchirure du col de la chemise, allongement du détenu sur la bascule, nouage des sangles de cuir autour des bras et des jambes, glissage du corps pour bloquer le cou dans la « lucarne » refermée, déclenchement du mécanisme qui précipite le couperet sur le col immobilisé : le bourreau élabore ainsi un nouveau « rite d’échafaud ». 

      

    Le spectacle de la mise à mort jusqu'en 1789


    ___Le fait que la guillotine soit juchée sur un échafaud permet au spectacle d’avoir une dimension beaucoup plus impressionnante grâce à sa hauteur et donc, son angle de vue d’autant plus large. Mais le rite public se modifie lentement jusqu’en 1939, la publicité de l’exécution s’atténue progressivement. Si on prend l’exemple de Paris, c’est en 1832, que la guillotine passe de la place de Grève à  la périphérie parisienne elle est transférée vers les « barrières » de Paris (portes des anciennes fortifications). En 1851, elle revient en ville, pour être dressée devant la prison où est détenu le condamné à mort. C’est par la suite que la loi de 1870 ordonne de supprimer l’échafaud et les dix marches que gravit le condamné devant la foule, la guillotine se retrouve donc au sol et va permettre de réduire le choc visuel de l’exécution toujours publique. Le spectacle de la mise à mort va s’atténuer. Appliquée la première fois en 1872, cette mesure suscite la colère du public qui « ne voit plus rien ». Dès 1898, les exécutions vont être faite suivant certains horaires bien définit, au départ fixée à cinq heures du matin, elles vont limiter la « curiosité » de la foule. Mais c’est après l’échec de l’abolition de la peine capitale, ainsi que le tumulte public entourant Versailles pour l’exécution du tueur en série Weidmann, en 1939 que le garde des sceaux décrète que ce spectacle sera le dernier et que toutes les prochaines exécutions se dérouleront en prison mais sera infligée qu’aux autorités qui représentent l’Etat et l’institution judiciaire.

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    C’est à partir de là, que l’exécution capitale va perdre sa forme publique. L’« incarcération de la guillotine » termine la pédagogie publique de la peine capitale comme rituel d’intimidation sociale. La publicité a été réduite et une loi a été proposée, voici en exemple un décret du 24 Juin 1939 supprimant complètement l'admission du public à ces exécutions :

    (Journal officiel 25 juin 1939)

    RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

    Paris, le 24 juin 1939,

    Monsieur le Président,

    Aux termes de l'article 26 du code pénal, les exécutions capitales doivent avoir lieu sur "sur l'une des places publiques du lieu qui sera indiqué par l'arrêt de condamnation".

    Ce texte, dont les auteurs attendaient un effet moralisateur, a pratiquement donné des résultats opposés.

    Déjà, en raison de manifestations regrettables qui ont marqué parfois les exécutions capitales, la publicité a été considérablement réduite et une proposition de loi, adoptée par le Sénat le 5 décembre 1898 tendait même à supprimer complètement l'admission du public à ces exécutions.

    Il nous a paru que le moment était venu de réaliser cette réforme, désirable à tous les égards et c'est dans ce but que nous avons l’honneur de soumettre à votre agrément le présent projet de décret.

    Nous vous prions d'agréer, monsieur le Président, l'hommage de notre profond respect.

    Le président du conseil, ministre de la défense nationale et de la guerre, 
    EDOUARD DALADIER.

    Le garde des sceaux, ministre de la justice, 
    PAUL MARCHANDEAU.

    Le ministre de l'intérieur, 
    ALBERT SARRAUT.

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    Le spectacle de la mise à mort jusqu'en 1789

    __Au même titre que Robert Badinter, Michel Foucault écrira un discours « Surveiller et punir » contre la peine de mort le 18 septembre 1981. L'essai étudie l'apparition historique de la prison sous sa forme moderne en commençant par contester la disparition de l'application en public de la peine de mort au profit d'exécutions. Il soulignera également le passage stratégique d'un pouvoir qui donnait la mort. Selon Pascal Bastien et les historiens qui s’en sont inspirés, elle réparait sur le corps du condamné la souveraineté divine et humaine blessée par le crime. Le caractère public du supplice, le symbolisme de la condamnation permettait de démontrer le pouvoir royal face au crime, qui en plus de sa victime, attaquait le souverain dans son pouvoir de faire les lois. Les peines ont dorénavant une visée correctrice. La publicité de la peine ne vise plus tant à montrer la souffrance mais plutôt à réaffirmer l'actualité de la Loi.  Pour lui après le modèle réformateur public de la peine, ce suivis le modèle carcéral (dont l'objectif était plus de dresser les corps). C'est le second qui l'a emporté.

    ____________________________________________Dernière exécution capitale publique

    ______________________________________________en France : Eugène Weidmann, en 1939.

    « Le châtiment est passé d’un art des sensations insupportables à une économie des droits suspendus. »

    Michel Foucault.

    __Ainsi, ceux qui ne respectent pas la loi ne se voient plus condamnés à une sanction physique qui restera sur leur corps comme un témoignage offert au vu et au su de tous. Ils ne sont plus condamnés à une réparation directe de leurs fautes en plein jour. Cet essai vise donc plus à humaniser un criminel ayant commit une faute. L’exécution publique fut un moyen de communiquer le droit par une mise en mots et en images du verdict. Ce fut dans les rues de la ville que le Parisien attendait, espérait, consentait ou contestait la justice du roi.

    __L'année 1968 fut la première année dans laquelle  l'histoire française n'a subit aucune exécution mais aussi la première où une majorité de Français se disaient contre la peine de mort. Le projet humanitaire de Robert Badinter boucle le moment abolitionniste qui s’enracine dans l’humanisme et le libéralisme du XIXe siècle. En 1981, lors de l’abolition de la peine de mort par le garde des sceaux socialiste Robert Badinter, la République possède encore trois guillotines disposées dans certaines régions de France.

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    Lexique :

    L'Assemblée constituante : Première assemblée constituante française, instituée par des députés des États généraux lorsqu'ils s'érigèrent d'eux-mêmes en une « Assemblée nationale » le 17 juin 1789, date que l'on retient comme celle de la naissance du système représentatif français.

    Le code pénal de 1791 :  Premier code pénal français, adopté pendant la Révolution, entre le 25 septembre et le 6 octobre 1791. Inspiré des principes de Beccaria, il a été remplacé en 1795 par le Code des délits et des peines, suite à l'adoption de la Constitution de l'an III.

    Eugen Weidmann : Né le 5 février 1908 à Francfort, mort le 17 juin 1939 à Versailles, c'est un assassin, ainsi que la dernière personne à être guillotinée en public en France.

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